Et hop ! à nouveau confiné !!!

VaniaNB1

ET QUI VA NOUS DIRE DE NOUS EMBRASSER À NOUVEAU ?

Nous devons continuer à mesurer et prendre ce risque d’embrasser quelqu’un, d’accepter de lui cette intimité.

Embrasser est dangereux. Comme le théâtre ?

Jack Ralite disait : « L’effondrement du politique entraîne l’effondrement du poétique » ! Tout est là. S’il n’y a plus de politique au théâtre, c’est qu’il n’y a plus de politique du tout. Nous avons perdu notre voix.
Nous n’avons plus accès à un langage qui nous permette de parler. Nous sommes dans une sorte d’overdose passionnelle ce qui rend aujourd’hui l’écriture théâtrale difficile.

On ne crée pas de culture, elle ne s’invente pas.
Elle se compose, évolue et se construit.
Elle n’est pas disponible à la création individuelle. La création est un endroit. Elle est ce qui peut faire bouger la culture, l’art, les sciences, les biens immatériels… Elle est la représentation symbolique des choses.

Le mot culture s’oppose à nature et définit ce qui a trait à l’humanité ou alors un ensemble de connaissances. Le théâtre, l’écriture, le cinéma, la peinture… sont des arts, on disait avant des beaux arts – et non des cultures.

La culture du théâtre par exemple si on veut employer cette formulation, n’a rien à voir avec l’art du théâtre.
Ce que nous faisons ce sont des oeuvres artistiques, de l’art et non de la culture, nous sommes des artistes et non des cultureux.
Des gens de théâtre et non des théâtreux.
C’est au nom de cette confusion entre art et culture que depuis des années des coups graves ont été portés aux oeuvres, à nos conditions de vie, de travail et de production.

Le théâtre est constitutif et non consécutif à la démocratie… La démocratie s’appuyait sur l’Assemblée, l’Agora et le Théâtre. Le théâtre a été inventé parce que la philosophie n’avait plus de mot. Et il fallait bien quand même bien pouvoir dire à Aristote que c’était un salaud d’esclavagiste.
Le théâtre rend les espaces de la démocratie possible.

Pourquoi nous sommes assis dans un théâtre?  Qu’est-ce qu’on pourrait imaginer de plus con que de donner de l’argent pour s’asseoir et regarder des gens faire semblant d’être quelqu’un d’autre ? Pourquoi les gens font-ils ça ?
Alors a-t-on encore besoin du théâtre ?
À quoi sert le théâtre ?
« La scène du théâtre, c’est nous, et non un calcul abstrait – et la démocratie, ce n’est pas les autres : c’est toi. » , nous dit Edward Bond

Penser ! Voilà l’élément moteur d’un être humain car cela lui permet d’entrevoir son devenir révolutionnaire… ou l’inconscient chez Freud. Et il n’y a de moteur que dans l’insécurité de penser.

Il nous faut prendre position quant à la fonction sociale de la représentation théâtrale.
Pour moi une création est un acte d’effraction, un « braquage »… elle doit « déplacer » celui qui regarde.
Ce qui nous rend humains c’est la conscience que nous avons et les questions que nous nous posons.
Personne ne peut porter un regard sur une oeuvre d’art sans se sentir plus libre.

Nous sommes en danger si nous n’y prenons pas garde nous disparaitrons, absorbés par le marché…
Nous ne sortirons pas du mode social de production capitaliste sans en décomposer en nous le langage.
Il ne s’agit donc pas de sortir du capitalisme, il s’agit bien que le capitalisme sorte de nous. 

Alors, comment parler du monde et de nous-mêmes ?
S’il y a des artistes dans la société leur fonction n’est-elle pas entre autre de créer des formes pour nous renseigner sur nous et sur l’état du monde ?

Nous devons oser donner la représentation du monde et du contexte social jusque dans les vocabulaires et les structures de la langue. Nous devons tenter d’en rendre compte, sans caricature pittoresque ou idéologique.
Oser les bifurcations !

Le théâtre a le devoir de le faire. Il en a le devoir moral, le devoir politique, le devoir social. Sinon la folie sociale créera un nouveau théâtre de la banalité, de l’anecdote, du divertissement et de la barbarie, ce qui est bon pour le marché..
Et nous y sommes…

« Les mots sont des armes » Il nous faut une culture qui nous permette de comprendre ces questions, et qui mette en rapport l’individu avec le collectif.
Ce sont les conditions de possibilité de la vie politique.

Il faut réhabiliter la notion de création, la capacité de créer, d’inventer.
Pas innover … ( comme le veulent « industries culturelles » ) 

Alors … Profitons de cette situation inédite pour repenser, ré-envisager, proposer, réfléchir …

La condition première, incontournable, est que nous « portions politiquement » la question de la culture, de l’art, de la littérature, de la vie intellectuelle, scientifique et tout à la fois.
Il est plus qu’urgent d’affirmer les principes du service public de la culture comme fondement de la politique culturelle.

En formuler les fondements les principes, les valeurs et, concrètement, les conditions. Depuis maintenant vingt ans, les élus et les responsables politiques ont, progressivement, par leur silence, quasiment déserté cet enjeu. Il nous faut des élus ayant une pensée, une conception et une parole publique construite et forte concernant la culture.
Cela suppose, évidemment, d’élaborer et de formuler une conception de la « place », du « rôle » de la culture, de l’art, de la littérature, de la pensée dans la société.

Ce doit être le combat politique premier : expliquer que la responsabilité d’une politique publique démocratique est de construire et préserver les « conditions » matérielles, politiques, organisationnelles de l’indépendance de ceux qui s’engagent dans la vie artistique et intellectuelle, sans ingérence dans les démarches intellectuelles et artistiques.Ce qui n’est plus le cas après l’avoir été durant plus de 40 ans ( même si cela avait des limites ).
En ce qui concerne les contenus, la priorité consiste à redonner du sens … La culture comme « intérêt général » : expression qui disparaît et qu’il faut ré-imposer, re-légitimer, redéfinir collectivement, aussi bien dans le monde poli-tique que dans les milieux culturels.
La nécessité d’une politique publique dans tous les domaines de la production et de la circulation de la pensée, de l’imaginaire.
Mais aussi de l’éducation, de la santé…
Redonner une légitimité aux mots « création », « pensée », « art ».
La démocratisation doit aller bien au-delà de la simple question de l’accès, elle doit englober dans une relation l’oeuvre et le citoyen.
Le responsable politique doit oser donner un contenu préalablement à l’imposition d’un objectif d’utilité sociale (ou économique).

Il nous faut poser la question de l’autorité… Autorité du latin auctoritas, avec le radical auct, qui vient du verbe augerer : Faire pousser… faire grandir… augmenter. Qui a donné le mot auteur !
L’autorité d’un auteur est la puissance de faire accroître la dignité de ceux à qui il s’adresse.

L’art et la culture sont un droit individuel et collectif.
La plupart des artistes se précarisent tout en ayant de plus en plus le sens de leur responsabilité sociale, on le voit dans les jeunes générations, comme ailleurs.

Je reprends complètement les propositions de Samuel Churin, comédien et membre de la coordination des intermittents : Le spectacle vivant va encore  être à l’arrêt pendant plusieurs mois, une année blanche s’annonce. Il en faut une autre… !!!
Et bien sûr ce sont d’abord les petits qui vont trinquer, voire disparaître mais ça va passer inaperçu et ça pourrait même en réjouir certains qui se plaignent du trop grand nombre de compagnies en France.

Il faut en URGENCE un fond transitoire sur au moins deux années qui couvre tous les artistes et techniciens du spectacle vivant du cinéma et de l’audiovisuel qui ne renouvellent pas leurs droits.

En 2004 à la suite du mouvement des intermittents et l’annulation du festival d’Avignon 2003, Donnedieu de Vabres a mis en place ce même fond. Donc c’est simple, c’est facile, il doit y avoir des archives au ministère, non ?
Ou des témoins ?

Et puis après, prolonger la pensée d’Ambroise Croizat, ministre du travail en 1945 et que De Gaulle charge de penser un nouveau régime de protection sociale. Ce sera la sécurité sociale sur un principe simple émanant du conseil national de la résistance : Des droits attachés à la personne déconnectés de l’emploi.

Organisons des droits inconditionnels attachés à la personne en matière de revenus.
Il s’agit de penser pour les salaires ce que Croizat a mis en place pour la santé. Mais pas un revenu universel en dessous du SMIC qui se substituera à toutes les autres aides sociales.

Depuis des années, la coordination des intermittents et précaires propose un principe simple : 

Une couverture généralisée sans condition par l’assurance chômage. Une continuité de revenus pour tous.
Des droits inconditionnels liés à la personne et déconnectés de l’emploi.
Constitutionnalisons la santé, l’éducation et l’accès aux arts dans leur pratique et leur réception.

Nous sommes l’ange du tableau Angelus Novus de Klee que Walter Benjamin avait acquis et sur lequel il a écrit :
L’ange le visage tourné vers le passé, mais du paradis souffle une tempête qui l’empêche de refermer ses ailes. La tempête le pousse vers l’avenir auquel il tourne le dos cependant que jusqu’au ciel devant lui s’accumulent les ruines.

Il nous faut, comme le disait Heiner Müller, créer des foyers pour l’imagination.
« C’est l’acte le plus politique, le plus dérangeant que l’on puisse imaginer ».

Car « penser est fondamentalement coupable » !

Les injustices et les inégalités sont trop fortes et la colère justement gronde.

Alors la question va devenir encore plus prégnante :

QUI VA NOUS DIRE DE NOUS EMBRASSER À NOUVEAU ?

CB


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